Iannis Xenakis
Iannis Xenakis arrive à Paris en 1947 à l’âge de 25 ans, fuyant la Grèce. Résistant communiste pendant la guerre, il obtient son diplôme d’ingénieur de l’école polytechnique avec un mémoire portant sur le béton armé.
Emprisonné et condamné à mort dans un pays en pleine guerre civile, Xenakis s’évade pour gagner la France.
Il entre à l’atelier Le Corbusier en tant qu’ingénieur et commence à travailler au sein de l’ATBAT (l’atelier des bâtisseurs) sur le chantier de la Cité Radieuse de Marseille. A Rezé, à partir de 1950, il travaille avec l’ingénieur Bernard Lafaille sur la mise au point du système constructif en voile béton et contrôle les plans d’entreprises sur le chantier. En 1954, Le Corbusier lui confie la réalisation de l’école qui vient s’ajouter au programme des travaux en cours de chantier. Il se saisit de cette opportunité pour concilier pour la première fois son intérêt pour la musique et pour l’architecture et organise la répartition des fenêtres en s’inspirant des notes de musiques sur les portées des chants grégoriens.
Fort de cette expérience, il demande à Le Corbusier de lui confier la responsabilité d’un projet. Ce sera le Couvent de la Tourette dont il dirige les études et le chantier comme chef de projet. Il conçoit et développe de nombreux éléments du projet comme les « canons » et « mitraillettes » à lumière de la crypte, les circulations intérieures, la forme organique de la chapelle et la pyramide de la sacristie. Il y met également au point les pans de verre ondulatoires (Le Corbusier disait musicales) pour la première fois étudiés pour le Secrétariat building à Chandigarh et que l’on retrouvera ensuite sur la maison de la culture de Firminy.
Les pans de verres « ondulatoires » pour la façade du réfectoire, de la salle de lecture et des déambulatoires et « combinatoires » pour les façades donnant sur le cloître sont des éléments de façade constitués de fines structures de béton soutenant les vitrages.
À cette même époque Xenakis travaille sur la composition de ses premières œuvres musicales, Metastaseis (1953-54) et Pithoprakta (1955-56) et ses recherches dans les domaines de la musique et de l’architecture composent un univers créatifs en mouvement, sans frontières.
Mathématiques, architecture et musique, probabilité, combinatoire, permutations, rythme, densité, ondes se croisent sans cesse dans les multiples plans et esquisses de recherche sur les façades du couvent.
Ce travaille s’inscrit naturellement dans la pratique architecturale de Le Corbusier qui a très tôt utilisé les tracés régulateurs et le nombre d’or pour composer ses façades et répartir les éléments pleins et les ouvertures. La répartition des parties pleines et des parties vitrées à partir des mesures du Modulor, les « jeu des panneaux » font déjà l’objet d’études en 1949. Les pans de verre de la Maison Radieuse en seront la première application à grande échelle.
Pour les pans de verre du couvent de la Tourette, si les recherches mathématiques et musicales de Xenakis tendent à la rigueur et au systématisme, les principes ne peuvent être appliqués littéralement. La dimension et la perception architecturale nécessitent des irrégularités des perturbations que Xenakis introduit également dans ses compositions musicales. Les deux pratiques s’enrichissent l’une l’autre.
Sur le projet du Capitole, à Chandigarh, Xenakis travaille à la mise au point de la tour hyperboloïde de la chambre inférieure de l’Assemblée. Ce projet lui permet d’explorer un nouvel univers formel qui donnera lieu au pavillon Philips de l’exposition universel de Brussel et aux paraboloïdes hyperboloïdes de l’auditorium pour le compositeur Hermann Scherchen ainsi qu’ aux Polytopes et Diatopes, œuvre des années soixante-dix.
Le Pavillon Philips marquera la fin de la collaboration entre Iannis Xenakis et Le Corbusier. Dès lors Xenakis se consacre presque entièrement à son œuvre musicale qui fera de lui un des compositeurs les plus importants de la seconde moitié du XXème siècle.
Il n’abandonne cependant pas totalement l’architecture et concevra encore plusieurs projets importants qui ne seront pas réalisés. Ses dernières constructions le ramène sur les rives de la Méditerranée, en Grèce et en Corse où il continue de développer les éléments architectoniques développés à l’époque de l’atelier Le Corbusier ; ouvertures « neumatiques », pans de verre ondulatoires, canons à lumières.